Vente de terrains appartenant à l’Église, course effrénée à l’enrichissement, clochardisation des pasteurs, détournements des subventions allouées par l’État pour le compte de l’Enseignement privé protestant, crise des valeurs : tel est le lourd héritage que laissera, au soir du 31 juillet, l’équipe actuelle dirigée par le pasteur Augustin Bouengoune à son successeur.  
 
Par Yann Essabe

Le Rubicon aura été franchi ce 15 décembre 2020. Une première dans l’histoire de l’Église protestante. En effet, le  pasteur président actuel, Augustin Bouengoune, et cinq de ses coaccusés ont été arrêtés à la suite d’une investigation menée par la brigade financière qui a révélé un détournement de plus de 200 millions de francs CFA décaissés par l’État, au compte des frais d’écolage de l’année académique 2018-2019. Si les détournements des subventions allouées par l’État à l’Enseignement privé protestant sont monnaie courante, l’arrestation de la première autorité morale et d’autres personnalités parmi les plus influentes de la première Église du Gabon, est de mauvais goût.

Ce fait, quoiqu’anecdotique, est resté une tâche indélébile sur la soutane des serviteurs de cette communauté. Il est  surtout l’expression de la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la crise morale qui ceinture l’église depuis plusieurs décennies. Comme la bêtise Camusienne, elle a été répétée ce 20 juillet 2022. Ce, en présence des membres du conseil national reçus par le Premier ministre Rose Christiane Ossouca Raponda qui a crevé l’abcès puant : 63.200.000 FCFA. C’est la somme remise par le gouvernement à la direction de l’EEG pour organiser le Synode. L’information, gardée secrète par l’actuel président de l’EEG, va marquer l’étonnement de l’assistance.

Selon ce qui nous est revenu, le budget prévisionnel était de 32.000 000 de francs CFA, mais la mouture finale présentée au PM aurait été multipliée par deux. Cette duperie se manifeste aussi dans la gestion du patrimoine de l’Église, aujourd’hui bradé. A Baraka mission, siège de l’Église évangélique, les terrains alentours auraient été bradés aux Syro-libanais. D’ailleurs, les terrains sur lesquels étaient bâties les maisons de fonction du directeur de l’Enseignement privé protestant ont laissé place à un grand immeuble qui aurait fait la sourde oreille aux injonctions d’arrêt des travaux. Au contraire, la cadence de sa construction a plutôt triplé. L’entrée du lycée évangélique de Baraka et ses alentours, propriété jadis de l’Église, ont été aussi expropriés. Même cas de figure au lycée évangélique Luc Bekale Salla situé à Akebe-B2, en face du marché banane du B2.

D’importants travaux de terrassement ont été lancés derrière les bâtiments administratifs du lycée où la mangrove en abondance, préservait tout l’écosystème faunique et aquatique, a laissé place à un terrain plat, régulièrement retourné par des bulldozers. Lors de la survenue des grandes pluies, le risque d’une inondation de cet établissement pend désormais sur les têtes des futurs élèves qui vont regagner les classes dans quelques semaines. Et pour cause, le canal naturel qui drainait les eaux a été bouché à la suite de ces travaux de terrassement.

Mieux, la subvention allouée par l’État à l’effet de couvrir les frais de scolarité des élèves admis en sixième envoyés dans cet ordre d’enseignement est  de plus de 200 millions CFA par an. S’ajoute à cette somme, celle au titre du soutien de l’État aux différents ordres d’enseignement évaluée à plus 300 millions CFA pour l’enseignement privé protestant. Ces sommes colossales passent entre les fourches caudines des pasteurs présidents de l’EEG et leurs affidés. Conséquences : les établissements sont dans un état de décrépitude avancée, les enseignants non décisionnaires ainsi que les vacataires sont payés en monnaie de singe (50000 FCFA ou 25000 FCFA le mois selon les chefs d’établissement) et par intermittence.

L’arrestation, le 15 décembre 2020, du pasteur président de l’EEG actuel et cinq autres complices, procédait de cette gloutonnerie financière qui assèche les finances de l’église et affame les pasteurs qui croulent sous des retards de salaire. Conscient que l’après mandat ne sera pas un long fleuve tranquille, il se dit que le pasteur Augustin Bouengoune remuerait ciel et terre pour faire élire son poulain, sa seule garantie pour couler enfin des jours heureux et paisibles.