Le décès de l’artiste est survenu dans la nuit de vendredi 10 novembre 2023 à l’hôpital militaire du PK 9, laissant le monde de la culture en général et des arts plastiques en particulier dans le désarroi.

Par Alain Moumdoumba

Les pinceaux se sont brisés et les tableaux, souvent joyeux et pleins de vie, ont revêtu subitement une couleur âcre cette nuit du vendredi 10 novembre 2023. Le Maître, orfèvre des arts plastiques gabonais, Marcellin Minkoe Minze, a rejoint l’autre rive, laissant le monde gabonais de la culture orpheline.

De cet artiste dans l’âme, inclassable, véritable icône, à la fois universaliste et tout aussi cocardier, le Gabon perd l’un de ses meilleurs représentants. Peintre, graphiste et concepteur, ce fils du lac Anengué (lOgooué-Maritime) appartenait désormais à l’Afrique, voire au monde, tant sa virtuosité et la succulence de ses créations avaient très vite franchi les frontières du mini terroir, notamment après son triomphe à l’exposition d’Hambourg (Allemagne), en 1992.

De ses nombreuses réalisations, deux restent emblématiques et symbolisent à elles seules son idéal. Il s’agit de « La porte de la liberté », grande fresque représentant un être androgyne (mi-femme, mi-homme) libéré de ses chaines, placé au bord de mer en face de la présidence de la République à Libreville, à l’endroit même où, le 30 mai 1848, 27 hommes, 23 femmes et 2 enfants, tous esclaves libérés du bateau brésilien, « L'Elizia » venant du Sénégal, ont débarqué. Ce fait historique majeur a donné à la capitale gabonaise son nom actuel : Libreville.

Bien plus, l’emplacement de la fresque, symbolise l’embarquement, pour l’ailleurs et le débarquement, donc le retour aux sources. Le peintre invite ainsi le Gabon à s’ouvrir au monde, à l’universel, tout en restant enraciné dans ses valeurs intrinsèques. Un message fort à propos au moment où le pays eest entré dans une nouvelle ère de son histoire le 30 août 2023.

La deuxième création est la statue de « La tolérance », érigée au carrefour Rio, lieu emblématique qui a nourri tous les fantasmes en politique. Message fort et allusif aux joutes politiques souvent à l’origine de nombreux drames, particulièrement aux lendemains des résultats des élections. La liberté et la tolérance sont des valeurs universelles autour desquelles se sont construits l’humain et le travail de création du peintre décédé. Le non-respect de celles-ci est, entre autres, à l’origine des conflits actuels.

Au-delà, Me Marcellin Minkoe Minze a été aussi un pédagogue, au sens noble du terme. Enseignant puis directeur de l’Ecole nationale d’art et de manufacture (ENAM), il a formé de grands talents dans le domaine de la peinture, qui font la fierté du pays à l’international. On peut citer par exemple Georges Mbourou et le jeune Maurice Olimbo Ndjave, ce dernier étant considéré comme son filleul. La relève est assurée.

Ainsi, dans la chambre de l’hôpital des instructions des armées du PK 9, le Maître a achevé péniblement sa toile. La dernière.